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Portrait | Marc-Antoine Dujardin, Woodleather à Bomal

Portrait | Marc-Antoine Dujardin, Woodleather à Bomal

 

 

 

Nous sommes allés à la rencontre de Marc-Antoine Dujardin, jeune entrepreneur créatif. S'il a toujours rêvé de diriger une entreprise, il n'envisageait pas pour autant développer son activité dans la menuiserie/ébénisterie. Loin de là... ! 

Aujourd'hui pourtant, c'est dans ce secteur qu'il se démarque. L'originalité de ses idées et de ses créations séduit de nombreux clients et "Woodleather" connaît un franc succès.


ADL : Monsieur Dujardin, pouvez-vous nous retracer votre parcours ?

MA.D. : J’ai fait mes deux premières années de secondaire à l’ISC Barvaux. Ensuite, je suis allé à l’Institut St Roch de Marche-en-Famenne pour effectuer ma 3e qualification en « menuiserie-ébénisterie ». Et, comme je voulais encore plus travailler avec mes mains, j’ai été redirigé vers les études professionnelles où j’ai opté pour l’ébénisterie. J’ai fait une 7e complémentaire en « création et restauration de meubles » et ai suivi, cette même année, des cours du soir à Bomal pour obtenir mon diplôme de gestion. 

 

ADL : Vous aviez déjà dans l’idée de vous installer comme indépendant, alors ?

MA.D. : J’ai toujours rêvé de diriger une entreprise mais je ne voulais pas être menuisier. Je voulais être DJ. J’ai choisi la menuiserie/ébénisterie parce que je ne savais pas quoi faire d’autre. Mon père travaillait déjà dans ce secteur, mon grand-frère a suivi ce parcours-là aussi et je l’ai imité. J’ai effectué toutes mes années d’études sans penser une seule fois que je m’installerais comme indépendant dans ce métier. En 7e, alors que tous les élèves créaient des meubles pour leur travail de fin d’année, moi, j’ai réalisé un portrait de Marilyn Monroe constitué de 5 712 petits carrés de bois ! Je me suis toujours démarqué en proposant des choses un peu plus originales que les autres.

 

ADL : Mais alors, comment en êtes-vous venu à exercer ce métier ?

MA.D. : Mon originalité et mes idées plaisaient, mais on me répétait souvent que je ne pourrais pas vivre en créant du petit mobilier, que ce ne serait pas une activité rentable. C’est exactement ce qu’il ne fallait pas me dire... Donc, une fois mes diplômes en poche, j’ai tout de suite pris un registre d’indépendant à titre complémentaire. J’ai travaillé un an pour une entreprise de constructions à Marche-en-Famenne et quelques mois encore pour une entreprise de charpentes et toitures située à La Roche. Alors installé dans l’atelier de mon papa, à Palenge, je me suis rendu compte que j’avais de plus en plus de commandes et donc de boulot. Ça a suffi pour me décider à m’installer comme indépendant à titre principal. J’avais alors 20 ans.

 

ADL : Il fallait oser !

MA.D. : C’est vrai que je me suis lancé comme ça, du jour au lendemain. Je ne savais pas trop où je mettais les pieds. Je dois avouer que la première année n’a pas été la plus facile. Heureusement, j’ai fait un peu de sous-traitance pour un cuisiniste, ce qui m’occupait trois à quatre jours par semaine. Le reste du temps, je travaillais pour moi. Je dois beaucoup à ma page Facebook. En postant des photos de mes réalisations, j’ai pu faire découvrir mon travail à de nombreuses personnes qui ont, semble-t-il, apprécié ma « touche », mon originalité. Et maintenant, je peux dire que ça tourne bien !

 

ADL : Ce qui explique que vous ayez quitté Palenge pour Bomal ?

MA.D. : Oui. Je me suis vite retrouvé à l’étroit dans l’atelier de mon père. Il me fallait un espace plus grand. Aujourd’hui, je loue ce hangar de 200m² (Marc-Antoine Dujardin loue un atelier situé sur le zoning de Bomal, près de la gare). 

Ceci étant, mes marchandises et mes matériaux venant de Marche-en-Famenne, m’en rapprocher serait sans doute une bonne chose. Ce serait bien plus intéressant au niveau de la gestion de mes déplacements. A voir…

 

ADL : Est-ce que vous installer comme indépendant, si jeune, vous a causé des difficultés ?

MA.D. : Les banques ne prêtent pas facilement aux jeunes : ils manquent d’apport financier et offrent peu de garanties. Je dirais que la principale difficulté, en ce qui me concerne, vient plus du fait que je n’ai pas toujours la tête au travail (rires). Mais je ne compte pas mes heures ! Mes journées commencent à 6h par l’élaboration de mes plans en 3D, de mes devis et de mes factures. Vers 8h, j’entame mon travail à l’atelier que je quitte rarement avant 19h.

Woodleather | Menuiserie, ébénisterie à Bomal

ADL : Le métier demande aussi un investissement dans du matériel assez coûteux, je suppose...

MA.D. : Comme j’ai débuté en travaillant dans l’atelier de mon papa, j’avais une base. J’ai acheté du matériel, petit à petit. Je n’ai pas toujours eu ce que je voulais, alors je me suis débrouillé avec ce que j’avais. J’ai acquis cette nouvelle machine il y a seulement quelques semaines… . Maintenant, je suis satisfait car j’ai tout ce qu’il me faut !

 

ADL : Etre bien équipé, c’est aussi être plus concurrentiel !

MA.D. : Ce nouvel outillage me permet de travailler bien plus rapidement qu’avant. Ce qui a pour avantages de diminuer légèrement le coût de la main d’œuvre et d’augmenter les ventes. Quand les clients me contactent, je réalise leur devis et j’essaie de livrer la commande dans les deux ou trois semaines.

Cuisine réalisée par Marc-Antoine Dujardin, Woodleather

ADL : Action, réaction ! 

MA.D. : A l’heure actuelle, c’est indispensable ! Ça l’est même plus encore lors de la phase d’achat. Les gens qui me contactent ont généralement vu mes réalisations via les photos que je publie sur ma page Facebook. S’ils apprécient mon travail, ils m’envoient un message pour obtenir des renseignements, un devis. Si je ne réponds pas assez vite, entre-temps, ils auront été voir ailleurs. C’est l’époque qui veut ça. Heureusement, je fais partie de cette génération qui jongle facilement avec le web. Vu que je n’ai pas de magasin et que je ne peux pas exposer mes créations, je les montre via ma page Facebook. Ce réseau social est incontournable pour le développement de mon activité : c’est un excellent support publicitaire ! Gratuit, je peux y exposer toutes mes réalisations. Il permet aux gens de me contacter directement sans passer par le téléphone (certains ont peur de me déranger) ou par le mail (moins apprécié par les personnes plus âgées). Je fais donc principalement tourner mon entreprise via ma page Facebook qui compte plus de 2 500 fans : c’est une bonne base pour montrer mon travail. Par exemple, la publication des photos du placement d’une cuisine, il y a quelques jours, a obtenu pas moins de 7000 vues !

ADL : Et avez-vous un site web ?

MA.D. : Non, pas encore. Mais je l’imagine déjà ! Je souhaiterais pouvoir proposer un configurateur pour les meubles, comme il en existe pour les voitures. Les clients pourraient, par exemple, créer « leur » table en choisissant parmi différents pieds (métalliques ou en bois), tablettes, modèles, etc. Ils pourraient créer, commander et acheter en ligne. Mais cela représenterait sans doute une charge supplémentaire de travail, sans compter le budget de réalisation du site, et je ne suis pas prêt pour l’instant. Mais, une chose est sûre, si je veux garder ma place sur le marché, je n’échapperai pas à la vente en ligne !

 

ADL : Comment vous démarquez-vous par rapport aux autres menuisiers/ébénistes ?

MA.D. : Par la touche moderne que j’apporte dans mon travail. Il y a, selon moi, deux types de menuisiers. Le « classique » : celui à qui on va faire appel pour réaliser un escalier, un bardage, une porte, des châssis. Le « créatif », auquel je m’identifie, qui va proposer des choses originales pour la décoration intérieure, l’agencement d’une pièce… Par exemple, pour un hôtel-restaurant à Palenge, j’ai travaillé de concert avec les clients. Ils avaient déjà leurs idées sur les matériaux à utiliser (le fer et le bois brut) et le style (industriel) qu’ils voulaient pour leur établissement. Moi, je leur ai proposé mes idées de création de mobilier (bar, meubles…). Ensemble, on a réussi à obtenir un résultat vraiment sympa. J’aime faire des choses qu’on ne voit pas ailleurs. C’est ma marque de fabrique. Mes autres points forts sont l’utilisation de matériaux locaux, la qualité du travail ainsi que la rapidité.

Table réalisée par Woodleather pour La Maison Pal'Ange à Septon
Une belle collaboration entre Woodleather et ses clients de la Maison Pal'Ange à Septon
Woodleather - Meuble de salle de bain

ADL : Des idées mais aussi des techniques différentes !

MA.D. : Exactement ! On ne travaille plus avec certaines techniques apprises à l’école car elles demandent beaucoup trop de main d’œuvre et donc un coût plus élevé qui ne me permettrait pas de vivre de mon métier comme je le fais actuellement. En résumé, je garde les bases de l’ébénisterie traditionnelle tout en proposant quelque chose de plus moderne et qu’on n’a jamais vu ailleurs

 

ADL : Woodleather : à la base du bois et du cuir…

MA.D. : C’est vrai qu’on ne voit pas le cuir dans mes créations (rires). En fait, au tout début de mon activité, mon beau-père étant tapissier (Patrick Lekeu à Barvaux), j’étais parti sur l’idée de travailler le bois et le cuir avec des panneaux alliant les deux matériaux. Mais je me suis vite rendu compte que la tendance était plutôt aux meubles en bois et en fer et j’ai donc réorienté mon activité en ce sens. Et vu qu’on commençait à bien me connaître dans la région, j’ai gardé mon nom.

 

ADL : Vos clients, d’où viennent-ils et qui sont-ils ?

MA.D. : Au début, encore installé dans l’atelier de mon père à Palenge, j’ai beaucoup travaillé pour des clients de Durbuy car j’étais situé juste au-dessus de la vieille ville. Mais maintenant, j’ai des clients aussi bien à Aywaille, qu’à Bruxelles, Dison, Knokke ou encore à la frontière française. Je n’ai pas de  limite géographique. 

 

ADL : Avez-vous du personnel ? 

MA.D. : Non. Ceci dit, mon grand frère travaille avec moi depuis environ six mois. Il a pris un registre d’indépendant à titre complémentaire. Il vient donc me donner un coup de main dans le développement de mon activité car, seul, je ne suivais plus. Pendant l’année, il m’arrive de prendre un étudiant, mais je réfléchis sérieusement à engager un apprenti pour, idéalement, avoir une personne qui travaille à l’atelier et deux qui livrent et placent chez les clients. A l’heure actuelle, on travaille 4 jours à l’atelier par semaine et on consacre les vendredis et samedis au placement. 

 

ADL : Travaillez-vous en partenariat avec d’autres corps de métier ?

MA.D. : Le travail de sablage, de métallisation et de poudrage des parties métalliques présentes sur les meubles est réalisé par l’entreprise Leruse & Fils de Rochefort.

 

ADL : La crise Covid-19 a-t-elle eu des répercussions sur votre activité ?

MA.D. : Oui. Et plutôt positives. Les gens étant plus souvent chez eux, ils ont eu envie d’améliorer leur intérieur. Par contre, je n’ai pas su travailler car mes fournisseurs étaient fermés. Du coup, j’en ai profité pour publier régulièrement sur la page Facebook, pour poster des photos de mes réalisations et ainsi, donner envie aux gens de passer commande. Et ça a marché ! Pendant ces quelques mois, j’ai fait un peu plus de devis que d’habitude. De quoi assurer la reprise ! 

Woodleather - Table ronde
Woodleather - Table rectangulaire

ADL : Je vois ce vieux meuble. Vous faites aussi de la restauration ?

MA.D. : Jusqu’à présent, on n’a fait que de la création mais je pense aussi me diversifier en proposant aussi de la restauration. Acheter de vieilles tables, de vieux bahuts et les remettre au goût du jour. Ce meuble en chêne, dont plus personne ne veut en l’état, je le vois bien avec de jolies portes en fer.

 

ADL : Quels sont vos objectifs pour les années à venir ?

MA.D. : Engager, ça me plairait bien. Comme je vous le disais, j’ai toujours rêvé devenir patron d’une grosse entreprise. Quand je me suis lancé comme indépendant, je me suis dit qu’à 30 ans, j’aurais une dizaine d’ouvriers qui travailleraient pour moi. 

 

ADL : Pourtant, on dit que la gestion de personnel, ce n’est pas une chose aisée…

MA.D. : Et bien moi, plus on me dit que c’est difficile et que je n’y arriverai pas, plus j’adore ! (rires)

J’aimerais aussi avoir un magasin de meubles. J’ai d’ailleurs fait une étude de marché pour sonder l’intérêt des gens à ce propos. Mais par ici, je crains que ce soit difficile. En plus, actuellement, je n’ai pas de stock donc pas grand-chose à montrer et je ne veux pas prendre le risque de rester avec la marchandise sur les bras. Et qui dit stock dit production en quantité suffisante. Bref, ce n’est pas pour tout de suite mais c’est en réflexion. Il faudrait être sur chantier, au magasin, gérer les équipes… Je n’ai que 23 ans. J’ai encore le temps !

 

ADL : Un message à faire passer ?

MA.D. : Oui. Le client doit savoir que je lui remets un prix sur ce que je pense être le mieux pour lui. Mon objectif est de répondre à ses demandes en termes d’esthétique, de qualité et de prix. S’il veut quelque chose de plus sophistiqué ou, à l’inverse, s’il trouve que le budget est un peu trop élevé, il faut qu’il me le dise. Prenons l’exemple d’une table. Utiliser un bois avec un peu plus de nœuds ou une technique de construction différente peut en diminuer le coût. Il n’empêche que la table reste aux mêmes dimensions, tout aussi originale et toujours en chêne de qualité. Les gens pensent souvent que le devis remis est définitif alors que pour moi c’est une base.  Discuter avec le client, trouver une solution, adapter le devis, ça fait aussi partie du métier ! Enfin, j’ajouterais que tous nos meubles sont livrés et installés gratuitement. 


Woodleather

 

Zoning de Bomal

0472 91 03 24

 

marcantoineduj@hotmail.com

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Entretien rédigé par Caroline Lamy